Les ballades du désir : comment l’entretenir ?

Un voyage de soi à l’autre

Le désir ne peut raconter son attente qu’avec une direction. Il faut qu’il ait un sens : envie de plaisir, de donner du plaisir, envie de découvrir, de comprendre, envie de partager… envie… en vie. Si l’on en croit la littérature qui traite du sujet et pas spécifiquement celle de mes pairs sexologues, de nombreuses classifications sont apparues pour nicher chacun dans une case.

Elles vont de l’hétérosexuel classique avec l’homosexuel et la bisexualité que l’on retrouve en éthologie dans tout le monde animal ou le no-sex, aux déclinaisons LGBTI jusqu’à du « pansexuel » ou du « sapiosexuel », dernières classes à la mode.

Le voyage vers autrui est unique et n’a pas besoin de « cases » ou classes identificatoires sauf combats à mener pour le respect de vrais particularités humaines de genre ou de l’homosexualité encore niée dans certaines cultures du monde. Il va s’effectuer à partir des sens, de ses capacités corporelles (situation de handicap ou pathologie), de son histoire, des mandats familiaux, de la socio-culture et de l’environnement du moment.

Un voyage solitaire parfois

Être en vie, avoir envie, être donc désirant ne peut pas toujours ou à tout moment se partager. Les ballades solitaires sont quelquefois des passages obligés ou choisis. La masturbation que l’on retrouve aussi dans le monde animal, est une source de plaisir différente ou complémentaire à celle partagée avec autrui.

Quand elle est contrainte par la solitude, elle risque malheureusement de perdre de son intérêt et de sa puissance. Dans les situations de handicap (isolantes, institutionnelles) où si le célibat s’éternise, le désir prendra peut-être d’autres chemins de plaisir, plus intellectuels voire spirituels, dans le travail, le sport, l’Art ou la religion. Ces autres routes pour l’expression du désir-pulsion de vie sont aussi des choix très réfléchis chez certains qui les revendiquent clairement.

Comment entretenir le désir ?

Quand bien même c’est une pulsion naturelle, le désir a besoin d’être nourri. Il faut être deux pour l’alimenter. L’ingrédient principal est l’attention (base de l’amour). Avoir de l’attention pour l’autre et pour soi. Cela veut dire que jamais il ne faut rêver ou croire que l’amour est acquis et que l’autre est naturellement désirant. Et consiste à apprendre à communiquer sur les systèmes sensoriels dominants de chacun.

Nous avons cinq sens et ne les manipulons pas tous exactement de la même manière. Quand j’exprime mon désir à l’autre, sur quel canal sensoriel est-ce que je le lui raconte ?… et quand il me raconte le sien, est-ce que je reçois bien son message ?

Et ne pas oublier de partager son imaginaire érotique et ses fantasmes. Oser dire et accepter d’entendre l’autre ne pas aimer, ne pas vouloir ou pas tout de suite (Toujours le précepte de Chamfort). Varier les sources de plaisir à partager en pensant « carpe diem » !

chez le sexologue

Comment souffler sur les braises du désir ?

Avec le temps, les soucis, le travail, les obligations, les enfants, il arrive qu’on laisse voguer sa pulsion de vie vers d’autres contrées que le désir pour l’autre ou pour les plaisirs charnels. Chacun s’adapte et le feu s’éteint. Cela ne signe pas un manque d’amour mais un changement des lieux de partage amoureux où le désir n’a plus toujours sa place. La frustration et les rancœurs envahissent l’espace… la « charge » mentale pèse et fatigue l’un comme l’autre. Le feu est devenu braises et avant qu’elles ne s’éteignent totalement, il vaudrait mieux souffler dessus, afin de les revivifier.

Là aussi il faut être deux pour éviter une voie de garage.

La démarche consiste à :

  • Interroger toutes ses sources de plaisirs partageables ;
  • Inventorier sa trajectoire (unique) ;
  • Identifier sincèrement les accidents de parcours ;
  • Identifier honnêtement les freins actuels ;
  • Identifier les fantômes* transgénérationnels en soi et leurs messages ;
  • Séparer l’homme et/ou la femme des autres identités (parents, pros, filiaux…) ;
  • Être très attentif à l’autre ici dans l’instant présent ;
  • Suivre une thérapie de couple si besoin ;
  • Suivre une sexothérapie ou une sexoanalyse si besoin.

Visitez les racines du désir en soi

La gestion du désir sexuel et son « soin » passe généralement par une sexothérapie, une thérapie de couple ou par une sexoanalyse qui suffisent fréquemment pour venir à bout des troubles (surtout quand ils sont accompagnés assez tôt dans le cadre de la vie relationnelle et de l’intime).

L’histoire de R&F ne put se résoudre avec les approches les plus courantes.

Dès lors que le phénomène troublant se répète.

Dès lors qu’une approche thérapeutique n’améliore pas les choses (si tant est que la personne la plus directement concernée ou bien que les deux membres du couple participent activement à la démarche), il convient de penser transgénérationnel et d’établir un arbre de vie de sa famille.

Cela afin de découvrir, penser et traiter :

  • Le portage de « fantômes* familiaux » ;
  • Le partage de fantômes familiaux (en miroir) entre les deux membres du couple ;
  • Échanger sincèrement et honnêtement sur son arbre de vie avec l’autre ;
  • Engager une sexoanalyse transgénérationnelle pour : dénouer les liens et la mémoire familiale, libérer le désir de ses entraves et relancer la dynamique d’une spirale vertueuse dans la vie intime du couple.

* Le fantôme familial ou transgénérationnel est la dynamique non consciente d’une mémoire figée souvent liée à un traumatisme non réglé en son temps dans la famille, soit par la personne la plus directement touchée, soit par le système familial. Cette dynamique impose en quelque sorte la répétition du traumatisme le plus souvent sous une forme symbolique. On parle aussi de dette, de loyauté, de mandat familial. La dynamique étant portée, agit par un individu d’une autre génération et transmise à la suivante jusqu’à sa clarification ou son apurement.

Pour le désir (pulsion de vie et en-vie), du moins son absence ou son trouble, on trouvera souvent dans l’arbre familial des traumatismes autour bien évidemment du sexe (viol, adultère, abus, inceste, agression, IST invalidante ou morbide) mais aussi de la mort d’enfants (infanticides, accidents, maladies, fausses-couches et avortements), de l’abandon (absences chroniques, abandon ou mort d’un parent), de pathologie grave (cancer, dépression, psychoses, addictions, troubles alimentaires morbides) ou de la maltraitance (violences, VAE, sectes ou extrémismes religieux, guerres) et quelquefois de l’argent (surendettement, faillite, chômage).

Pour finir, il est important de bien sentir que le désir se promène, se ballade, se faufile en tout parce qu’il est pulsion de vie et que l’envie de plaisir, quelles que soient sa forme et son expression, est (re)saisissable (résilience) à tout moment depuis la vie intra-utérine jusqu’à son dernier souffle.